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difications des formes gouvernementales (le programme socialiste y compris) l’esclavage du peuple travailleur augmentera de plus en plus.

Les hommes ne souffrent que d’un seul mal extérieur : leur désunion, le fait qu’il existe des maîtres et des esclaves. Aux Indes, cela s’appelle les chattryas et les parias ; dans le monde chrétien, cela ne porte pas de nom, mais la même chose existe. Il existe des hommes aisés, oisifs, qui vivent dans le luxe, ont de l’argent, dirigent les autres, et il y a la majorité besogneuse que menacent sans cesse la misère et la famine, qui travaille durement et obéit au pouvoir ou à la richesse. Ce mal, tous le sentent, et il est clair que, s’ils veulent améliorer leur sort, les hommes doivent faire disparaître ce mal en détruisant cette inégalité sociale. Les anciennes révolutions pensaient trancher le nœud par la violence, mais l’inanité de ce procédé est démontrée depuis longtemps. Aucun changement de l’ordre politico-économique ne peut détruire l’inégalité.

Seule la liberté peut remédier au mal, non cette liberté imaginaire de la participation imaginaire dans le gouvernement, mais la liberté simple, vraie : celle qui consiste en ce qu’un homme n’obéisse pas à un ou plusieurs autres.

Il est vrai que ce n’est pas à la portée de tous. On ne peut pas se dire : je n’obéirai plus aux hommes. Pour ne pas leur obéir, il est nécessaire d’obéir à la loi supérieure, divine, commune à tous. On ne peut pas être libre en violant la loi supérieure de l’aide réciproque, comme le font par toute leur vie, les hommes des classes riches citadines qui vivent du travail du peuple ouvrier et surtout du peuple agricole. On n’est libre que dans la mesure où l’on remplit la loi suprême. Et