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tion de l’obéissance au gouvernement. Pour que s’accomplisse cette grande transformation, il faut seulement que les hommes comprennent qu’ils sont libres, en ont le droit et doivent l’être.

Si l’on renonce pour un moment aux coutumes, aux habitudes, aux superstitions établies ; si l’on envisage les rapports de tous les hommes du monde chrétien, qu’ils appartiennent au gouvernement le plus despotique ou au plus démocratique, on est stupéfié de ce degré d’esclavage dans lequel ils vivent maintenant, en s’imaginant êtres libres.

Au-dessus de chaque individu, où qu’il soit né, il existe une réunion d’hommes, tout à fait inconnus de lui, qui établissent les lois de sa vie, ce qu’il doit ou ne doit pas faire ; et plus la constitution gouvernementale est perfectionnée, plus les mailles du filet de ces lois sont serrées. On définit à qui et comment il doit prêter serment, c’est-à-dire permettre d’exécuter toutes les lois qui seront faites et proclamées. On lui indique comment et quand il peut se marier (il ne lui est permis d’avoir qu’une femme, mais il peut profiter des maisons de tolérance). On explique comment il a la possibilité de divorcer, comment il entretiendra ses enfants, lesquels seront regardés comme légitimes, lesquels illégitimes ; de qui et comment il héritera ; à qui et comment il transmettra ses biens. On expose, pour chaque violation de la loi, comment et par qui il sera jugé et puni, comment lui-même doit paraître au tribunal, comme juré ou témoin. On lui fixe l’âge auquel il peut profiter du travail des aides, d’ouvriers, et même le nombre d’heures pendant lesquelles ces aides travailleront pour lui, la nourriture qu’il doit leur donner. On lui prescrit quand