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proclamé la nouvelle loi, commune à toute l’humanité, la loi de l’aide réciproque. Les hommes l’acceptèrent, mais non dans toute sa portée, et, tout en tâchant de l’appliquer, ils continuèrent à vivre selon la loi de la violence.

Parut le christianisme. Il confirma aux hommes cette vérité qu’il n’y a qu’une seule loi, commune à tous, qui leur donnera le plus grand des biens : la loi de l’aide réciproque ; et il montra pourquoi cette loi n’était pas réalisée dans la vie. Elle ne l’était pas parce que les hommes jugeaient nécessaire et bienfaisant l’emploi de la violence pour certains buts nobles et trouvaient légitime la vengeance. Le christianisme montra que la violence est toujours pernicieuse et que les hommes ne peuvent impunément l’exercer. Mais l’humanité chrétienne n’accepta point cette explication de la loi générale de l’aide réciproque, et bien que désirant vivre selon cette loi, elle continua de vivre selon la loi païenne de la violence. Cette contradiction augmenta de plus en plus l’immoralité de la vie, les avantages extérieurs, le luxe de la minorité ; elle accrut chez les peuples chrétiens l’esclavage et les maux de la majorité. En notre temps, la criminalité et le luxe de la vie de certains hommes du monde chrétien, les maux et l’esclavage des autres sont arrivés au plus haut degré, ce qu’on remarque particulièrement parmi les peuples qui ont abandonné depuis longtemps la vie naturelle, agricole et qui ont succombé à la tromperie de la soi-disant « auto-direction ».

À cause de la vie agricole, de l’absence de la tromperie de l’« auto-direction » et, principalement, du rapport chrétien envers la violence encore conservé chez lui, le peuple russe — après la