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ou sous forme de douanes qui empêchent la libre circulation des produits, ou sous l’aspect des canons, des cuirassés, des armées, qui ravagent des pays entiers. Et alors ils disent que si c’est cela la civilisation elle ne leur est pas nécessaire ; et qu’elle est même nuisible.

Les hommes qui jouissent des avantages de la civilisation, prétendent qu’elle est un bien pour toute l’humanité, mais dans ce cas ils ne peuvent être témoin, étant juge et partie.

On ne peut nier que nous ne sommes maintenant loin dans la voie du progrès technique ; mais qui est loin dans cette voie ? Cette petite minorité qui vit sur le dos du peuple ouvrier. Et le peuple ouvrier, celui qui sert les hommes qui jouissent de la civilisation, dans tout le monde chrétien, continue de vivre comme il vivait il y a cinq ou six siècles, profitant seulement de temps en temps, des rogatons de la civilisation.

Si même il vit mieux, la distance qui sépare sa situation de celle des classes riches est plutôt plus grande que celle qui existait il y a six siècles. Je ne dis pas, comme pensent plusieurs, que la civilisation n’étant pas un bien absolu nous devons rejeter d’un coup tout ce que les hommes ont élaboré pour la lutte contre la nature, mais je dis que pour affirmer que ce que les hommes ont élaboré sert réellement à leur bien, il est nécessaire que tous, et non une petite minorité, en jouissent, il ne faut pas que certains soient privés par force de leur avoir pour les autres, sous prétexte que ces biens retourneront un jour à leurs descendants.

Nous regardons les pyramides d’Égypte et nous sommes stupéfiés de la cruauté et de la folie de ces hommes qui en ordonnèrent la construction et de ceux qui exécutèrent leurs ordres. Mais com-