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cer une vieille forme de la violence par une autre, qui apportera avec soi les mêmes maux que ceux dont souffre maintenant le peuple russe. C’est ce que nous voyons en Europe et en Amérique où existent même militarisme, mêmes impôts, même accaparement de la terre.

Et le fait que la majorité des révolutionnaires pose comme idéal l’État socialiste, qui ne peut s’obtenir que par la violence la plus cruelle, et qui, s’il était un jour atteint, priverait les hommes des dernières bribes de liberté, ce fait montre uniquement que ces hommes n’ont aucun nouvel idéal.

L’idéal de notre temps ne peut être la modification de la forme de la violence, mais son anéantissement complet, qu’on peut atteindre par la non-obéissance au pouvoir humain.

De sorte que si les hommes des classes citadines veulent réellement contribuer à la grande transformation qui s’opère, la première chose qu’ils doivent faire c’est de renoncer à cette activité révolutionnaire, cruelle, antinaturelle, inventée, qui est la leur maintenant, de s’établir à la campagne, y partageant les travaux du peuple ; puis, après avoir appris de lui la patience, l’indifférence et le mépris du pouvoir, et principalement l’amour du travail, non seulement ne pas exciter les hommes à la violence, comme ils le font maintenant, mais, au contraire, les garder de toute participation dans l’activité violente, de toute obéissance à n’importe quel pouvoir imposé, enfin, les aider, si besoin en est, de leurs connaissances scientifiques, dans l’explication des questions qui, inévitablement, surgiront avec l’anéantissement du gouvernement.