Page:Tolstoï - La Fin de notre ère.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.

C’est ainsi qu’il faut qu’agissent les paysans agriculteurs pour que la révolution actuelle ait de bons résultats.

Quant aux hommes des classes citadines : gentilshommes, marchands, médecins, savants, ingénieurs, littérateurs, etc., qui sont maintenant occupés à faire la révolution, ils doivent avant tout comprendre leur insignifiance — au moins numérique : 1 % du peuple agricole. Qu’ils se persuadent bien que le but de la révolution actuelle ne peut et ne doit consister en l’institution d’un nouvel ordre politique, — basé sur la violence, — avec n’importe quel suffrage universel, ou quelle organisation socialiste perfectionnée, mais qu’il se trouve dans l’affranchissement de cent millions de paysans de la violence sous quelque forme qu’elle se présente : militarisme, exactions fiscales, propriété individuelle. Pour atteindre ce but, point n’est besoin de cette activité remuante, déraisonnable et mauvaise, qui est maintenant celle des libéraux et des révolutionnaires russes.

La révolution ne se fait pas sur commande : « Allons-y, faisons la révolution ! » On ne peut la faire selon un modèle tout prêt, en pastichant ce qui se faisait il y a cent ans, dans des conditions tout autres. La révolution, en effet, n’améliore le sort des hommes que si ces hommes, reconnaissant la faiblesse et le danger des anciennes bases de la vie, aspirent à la rétablir sur de nouvelles institutions pouvant leur donner le vrai bien, que s’ils ont un idéal de vie nouvelle, meilleure.

Or, les hommes qui désirent, maintenant, faire en Russie une révolution politique sur le modèle des révolutions européennes, n’ont ni nouvelles bases, ni nouvel idéal. Ils n’aspirent qu’à rempla-