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maintient que par le pouvoir qui étreint ces peuples.

À notre mémoire, Nice appartenait à l’Italie, et tout d’un coup passa à la France ; l’Alsace, de française est devenue prussienne ; Sakhaline est passée de la Russie au Japon. Aujourd’hui le pouvoir de l’Autriche s’étend sur la Hongrie, la Bohême, la Galicie ; celui de l’Angleterre sur l’Irlande, le Canada, l’Australie, l’Égypte et autres pays ; le pouvoir du gouvernement russe sur la Pologne, la Géorgie, etc. Mais demain ce pouvoir peut cesser. La seule force qui lie en un faisceau toutes ces puissances, Russie, Autriche, Grande-Bretagne, France, c’est le pouvoir ; et le pouvoir est produit par les hommes qui, contrairement à leur nature raisonnable, contrairement à la loi de la liberté révélée par le Christ, obéissent à ceux qui exigent d’eux les actes mauvais de la violence. Que les hommes reconnaissent seulement leur liberté, propre aux êtres raisonnables, et cessent de faire des actes contraires à leur conscience et à ses lois et aussitôt disparaîtront ces unions artificielles qui semblent si majestueuses, ces Russie, ces Grande-Bretagne, ces Allemagne, ces France, au nom de qui les hommes sacrifient et leur vie et leur liberté d’êtres raisonnables.

Que seulement les hommes cessent d’obéir au pouvoir, au nom de ces idoles — qui n’existent que dans leur imagination : idoles de la Russie, de la France, de la Grande-Bretagne, des États-Unis — et d’elles-mêmes disparaîtront ces idoles qui maintenant perdent les hommes, matériellement et moralement. Il est admis de dire que la formation de grands États, — par l’union de petits États qui luttent toujours entre eux — en