Page:Tolstoï - La Fin de notre ère.djvu/47

Cette page a été validée par deux contributeurs.

vent-ils vivre en admettant comme lien de leur vie intérieure, la violence au lieu de l’accord raisonnable.

De deux choses l’une : ou les hommes sont des êtres raisonnables, ou ils ne le sont pas. S’ils ne sont pas raisonnables, alors tout entre eux peut et doit se résoudre par la violence, et il n’y a pas de raison pour que les uns aient le droit d’user de violence, et non les autres. Si les hommes sont des êtres raisonnables, alors leurs rapports doivent être basés non sur la violence mais sur la raison.

Cette raison, semble-t-il, devrait être connue des hommes qui se tiennent pour des êtres raisonnables. Mais ceux qui défendent le pouvoir gouvernemental ne pensent ni à l’homme, ni à ses qualités, ni à sa nature raisonnable ; ils parlent d’une certaine union des hommes à laquelle ils attachent une importance quelconque, surnaturelle, mystique. Que deviendraient, disent-ils, la Russie, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, si les hommes cessaient d’obéir à leur gouvernement.

Que deviendrait la Russie ? Qu’est-ce que la Russie ? Où commence-t-elle et où finit-elle ? La Pologne ? les Provinces baltiques ? le Caucase avec toutes ses peuplades ? les Tatars de Kasan ? le domaine de Fergansk ? l’Amour ? Tout cela, non seulement ce n’est pas la Russie, mais ce sont des peuples étrangers qui désirent sortir de cette union qu’on appelle Russie. Le fait que ces peuples sont considérés comme faisant partie de la Russie, est dû à un hasard temporaire, basé, dans le passé, sur une série d’événements historiques, principalement des violences et des cruautés ; et, actuellement, cette union ne se