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VII

LA DEUXIÈME CAUSE EXTÉRIEURE
DE LA RÉVOLUTION FUTURE


La deuxième des causes extérieures de la révolution future, c’est que le peuple travailleur est privé de son droit naturel, légitime, de jouir de la terre, et que cette privation a conduit les classes ouvrières des peuples du monde chrétien à une misère de jour en jour croissante, à une irritation toujours plus vive contre les classes qui jouissent du fruit de leur travail. Cette cause se sent avec une acuité particulière en Russie, parce que c’est seulement là que la majorité du peuple travailleur vit encore de la vie agricole, parce que, à cause de l’augmentation de la population et du manque de terre, les Russes sont maintenant placés dans la nécessité, ou d’abandonner cette vie agricole, à laquelle ils sont habitués et avec laquelle ils croient possible la réalisation de la communauté chrétienne, ou de cesser d’obéir au gouvernement qui garantit à quelques-uns la propriété de la terre enlevée au peuple.

On pense ordinairement que l’esclavage le plus cruel c’est l’esclavage personnel : quand un homme peut faire d’un autre tout ce qu’il veut : le torturer, le mutiler, le tuer, et que ce que nous n’appelons même pas l’esclavage, à savoir la privation de la possibilité de jouir de la terre, n’est qu’une certaine institution économique, pas absolument équitable. Mais cette opinion est tout à fait injuste.