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cessité, les menaces et vengeance. Il leur semblait que, sans elles, la vie sociale serait impossible. Les uns prirent sur eux le devoir d’établir le bon ordre et, pour corriger les hommes, d’appliquer les lois, c’est-à-dire la violence, de donner des ordres ; et les autres obéirent. Mais ceux qui ordonnent, fatalement furent dépravés par le pouvoir dont ils jouissaient. Étant eux-mêmes, dépravés, au lieu d’améliorer les autres, ils leur transmettaient leurs vices. Et ceux qui obéissaient furent débauchés par leur participation aux violences du pouvoir, par leur imitation des potentats et par leur servilité.

Il y a dix-neuf cents ans, parut le christianisme. Avec une force nouvelle, il confirma la loi de l’aide réciproque et, en outre, démontra les causes qui font que cette loi n’est point réalisée.

La doctrine chrétienne a montré avec une clarté extraordinaire que cette cause réside en la représentation fausse sur la légitimité et la nécessité de la violence ainsi que de la vengeance. Et, de divers côtés, en expliquant l’illégitimité, la malfaisance de la vengeance, elle a montré que le mal principal des hommes provient des violences que, sous prétexte de vengeance, ils exercent les uns envers les autres.

La doctrine chrétienne a montré non seulement l’injustice, mais la malfaisance de la vengeance, elle a montré que le seul moyen de s’affranchir de la violence est de s’y soumettre sans lutte : « Vous avez entendu qu’il a été dit œil pour œil, dent pour dent. Mais moi je vous dis de ne pas résister à celui qui vous fait du mal, mais si quelqu’un te frappe à la joue droite, présente-lui aussi l’autre ; si quelqu’un veut plaider contre toi et te prendre ta robe, laisse-lui encore l’habit, et si quelqu’un