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Et nulle part cette contradiction ne se sent aussi vivement que dans le peuple russe.

Cette contradiction est sentie avec une acuité particulière par le peuple russe, à cause de la guerre inepte et honteuse dans laquelle il fut entraîné par le gouvernement, à cause de la vie agricole maintenue encore parmi le peuple russe et, surtout à cause de la conscience chrétienne, particulièrement vive, de ce peuple.

C’est pourquoi je pense que la révolution de 1905, dont le but est l’affranchissement des hommes, doit commencer et, précisément maintenant, commence en Russie. Et le moyen d’atteindre le but que se propose cette révolution, évidemment doit être autre que cette violence avec laquelle, jusqu’ici, les hommes ont tâché d’obtenir l’égalité.

Les hommes de la grande Révolution, qui désiraient cette égalité, pouvaient penser que l’égalité s’obtiendrait par la violence, bien qu’il paraisse évident que l’égalité ne peut s’acquérir ainsi, puisque la violence est en soi la manifestation la plus nette de l’inégalité. Mais la liberté, but essentiel de la révolution d’aujourd’hui, ne saurait en aucun cas, être obtenue par la Violence.

Et maintenant les hommes qui font la révolution en Russie pensent qu’en répétant tout ce qui s’est passé dans les révolutions européennes, avec les processions et les obsèques solennelles, la destruction des prisons, les discours pompeux (Allez dire à votre maître…), l’Assemblée constituante, etc., qu’après avoir renversé le gouvernement existant et établi une nouvelle monarchie constitutionnelle ou une république socialiste, ils atteindront le but que poursuit la révolution.

Mais l’histoire ne se répète pas.