Page:Tolstoï - La Fin de notre ère.djvu/21

Cette page a été validée par deux contributeurs.

cette sagesse que, dans l’œuvre militaire et dans la guerre elle-même, tant appréciée par les peuples chrétiens, il est devenu supérieur à eux tous.

Durant des siècles, les peuples chrétiens, sous prétexte de se défendre, inventèrent les moyens les plus efficaces de s’entre-tuer (moyens adoptés aussitôt par tous les adversaires), et ils profitèrent de ces moyens pour se menacer entre eux et acquérir des avantages de toutes sortes parmi les populations non civilisées de l’Afrique et de l’Asie. Mais voilà que parmi les non-chrétiens paraît un peuple guerrier, habile, assimilateur, qui, apercevant le danger qui le menace, ainsi que tous les autres peuples non-chrétiens, avec une facilité et une rapidité étonnantes s’adapte tout ce qui donnait aux peuples chrétiens la supériorité militaire ; et il devient plus fort qu’eux. Comprenant cette vérité simple, que, si l’on vous bat avec un bâton gros et fort, on doit prendre juste le même bâton, ou un bâton plus gros et plus fort, et en frapper celui qui vous bat, les Japonais se sont assimilé très vite et facilement cette sagesse et, en même temps, toute la technique de la guerre. Profitant en outre de tous les avantages du despotisme religieux et du patriotisme, ils ont manifesté une telle puissance militaire qu’elle a surpassé celle du pays le plus puissant.

La victoire des Japonais sur les Russes a démontré à toutes les puissances que le pouvoir militaire n’est plus entre leurs mains, qu’il a passé ou passera bientôt en d’autres mains, non-chrétiennes, puisqu’il est facile à tous les peuples non-chrétiens, opprimés par les chrétiens en Asie, en Afrique, de s’approprier, à l’exemple des Japonais, la technique militaire dont nous sommes si