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c’est la fin du vieux siècle et le commencement du nouveau. Ce qui a amené les peuples chrétiens à la situation où ils se trouvent maintenant a des origines lointaines : depuis que le christianisme fut reconnu comme religion d’État.

Un gouvernement qui s’appuie sur la violence, qui exige, pour son existence, l’obéissance absolue à ses lois de préférence, s’il le faut, à la loi religieuse ; un gouvernement qui ne peut exister sans supplices, sans armée, sans guerres, qui attribue à ses gouvernants une importance quasi divine, qui glorifie la richesse et la puissance ; un tel gouvernement accepte, dans la personne de ses gouvernants et de ses sujets, la religion chrétienne, qui proclame l’égalité absolue et la liberté de tous les hommes.

Cette religion qui déclare une seule loi de Dieu, supérieure à toutes les autres lois, cette religion qui, non seulement nie toute violence, toute vengeance, les supplices et les guerres, mais qui prescrit d’aimer ses ennemis, qui glorifie non la puissance et la richesse, mais l’humilité et la pauvreté, cette religion chrétienne, le gouvernement l’accepte en la personne de ses gouvernants païens ; il l’accepte, non dans son vrai sens, mais sous cet aspect déformé avec lequel l’ordre païen de la vie continue d’exister.

Et la plupart des gouvernants et de leurs conseillers ne comprennent pas du tout le vrai sens du christianisme. Ils se révoltent ouvertement contre les hommes qui professent et propagent le vrai christianisme, et, la conscience tranquille, ils les tuent, les persécutent et leur interdisent de propager le christianisme dans son vrai sens. Le clergé interdit la lecture de l’Évangile et ne reconnaît qu’à soi le droit d’interpréter l’Écriture sainte ;