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nouveau, fatalement se produiront de grandes émeutes, des cruautés, des tromperies, des trahisons, des crimes de toutes sortes, et à cause de ces crimes, se refroidira l’amour, la chose la plus importante et la plus nécessaire pour la vie sociale.

C’est ce qui se passe maintenant, non seulement en Russie, mais dans tout le monde chrétien, avec cette différence que ce qui existe à l’état latent dans tout le reste du monde chrétien se manifeste, en Russie, clairement et ouvertement.

J’estime que la vie des peuples chrétiens est précisément arrivée à cette limite qui sépare le vieux siècle qui meurt du nouveau qui naît : je pense que c’est précisément maintenant que commence à s’opérer cette grande transformation qui, depuis près de 2.000 ans, se préparait dans le monde chrétien, transformation dont le but est de remplacer le christianisme déformé — et la puissance des uns basée sur lui et l’esclavage des autres — par le vrai christianisme, par l’égalité et la vraie liberté de tous les hommes, liberté propre à tous les êtres raisonnables.

Je vois les indices extérieurs de cette transformation dans la lutte aiguë des classes, chez tous les peuples ; dans la froide cruauté des riches ; dans la surexcitation et le désespoir des pauvres ; dans l’armement sans cesse accru de tous les États les uns contre les autres ; dans l’extension de la doctrine socialiste, irréalisable, horrible par son despotisme et superbe de légèreté ; dans l’inutilité et la sottise des raisonnements oisifs et des études appelées sciences qui sont tenues pour l’activité intellectuelle la plus importante ; dans la dépravation intellectuelle et le vide de l’art en toutes ses manifestations, et, surtout, non seule-