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pendant son sommeil ! disait Fedka. Moi, j’aurais pris la fuite.

Et il serrait plus fort mes deux doigts dans sa main.

Nous nous arrêtâmes dans le bosquet, derrière les enclos où sont les meules de blé, tout au bout du village. Semka ramassa une branche sèche dans la neige, et en frappa le tronc glacé d’un tilleul. La gelée blanche tomba des branches sur nos chapeaux, et le son retentit solitairement dans la forêt.

— Léon Nikolaïevitch, me dit Fedka (je pensais qu’il allait me reparler de la comtesse), pourquoi apprendre le chant ? J’y songe souvent, je vous l’avoue, — à quoi sert de chanter ?

Comment, de l’effroi que lui inspirait l’assassinat, avait-il sauté à cette question ? — Dieu le sait. Mais à tous les indices, au son de sa voix, au sérieux avec lequel il attendait la réponse, au silence attentif des deux autres,