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dans nos cœurs des cordes nouvelles et nous révélant l’un à l’autre en quelque façon et sous un jour toujours nouveau. Quand je jouais ses morceaux de prédilection, il s’asseyait sur un divan éloigné ou je pouvais à peine l’apercevoir et, par une sorte de pudeur de sentiment, il s’efforçait de cacher les impressions que la musique lui faisait éprouver ; mais souvent, quand il s’y attendait le moins, je quittais le piano, je courais à lui et je cherchais à surprendre sur ses traits les traces de son émotion, l’éclat presque surnaturel des regards chargés d’humidité qu’il tâchait en vain de me dérober. Je revenais servir le thé du soir dans le grand salon et toute la famille se trouvait de nouveau réunie autour de la table. Cette séance solennelle auprès du samovar comme devant une sorte de tribunal, et la dis-