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« Je prie de détruire le journal de ma vie de célibataire, non pas que j’aie le désir de cacher aux hommes ma vie mauvaise. Ma vie ne fut que la vie habituelle des jeunes gens sans principes, mais cette prière je l’exprime parce que dans mon journal j’ai inscrit presque exclusivement ce qui tourmentait ma conscience : mes péchés ; par conséquent ces pages peuvent produire une impression fausse, unilatérale… Non, tant pis ; que ce journal demeure, tel qu’il est ; on y verra du moins que, malgré toute la banalité et la vilenie de ma jeunesse, Dieu ne m’a pas abandonné et que dans mon vieil âge j’ai commencé enfin à le connaître et à l’aimer. »

C’est à la sincérité de Tolstoï, qui n’a rien voulu cacher de sa vie personnelle que nous devons de pouvoir lire cette merveilleuse histoire qui a failli disparaître à jamais.

Au journal de ses dernières années il attachait au contraire une grande importance et pensait que de tous ses écrits, qui devaient être publiés après sa mort, ce serait encore le plus instructif.

Tolstoï écrivait son journal jour par jour, régulièrement, quand il était maître de lui, c’est-à-dire lorsque des événements graves n’absorbaient pas ses forces intellectuelles. Ainsi il y a une interruption de treize ans qui correspond aux premières années de son mariage et à la création de ses deux grands romans : « Guerre et Paix » et « Anna Karénine ». Son journal s’interrompt en automne 1865, période du travail le plus concentré pour « Guerre et Paix ». Il reprend ses notes au printemps de 1878, après avoir terminé « Anna