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cuter, se disait-il, mon rôle est d’obéir soit en montant la garde devant les reliques, en chantant dans le chœur ou en tenant les comptes de l’hôtellerie du monastère. »

Toute la possibilité du doute était écartée par l’obéissance à son vieillard. Et si celle-ci n’avait pas existé, il aurait senti la monotonie des longs offices, la frivolité des visiteurs et la mauvaise qualité de ses frères.

Mais tout cela était dans sa vie comme un réconfort.

— Je ne sais pourquoi il me faut écouter ces prières plusieurs fois par jour ; mais je sais que c’est indispensable et j’y trouve la joie.

Le vénérable supérieur lui avait dit qu’autant la nourriture matérielle était nécessaire pour vivre, autant la nourriture spirituelle était nécessaire à la vie de l’esprit. Il le croyait et les offices pour lesquels il se levait péniblement avant l’aube lui procuraient indiscutablement du calme et de la joie avec la conscience de son humilité et de l’infaillibilité des paroles du vieillard.

L’intérêt de son existence consistait en partie dans la soumission toujours plus grande de sa volonté, dans l’humilité croissante, dans l’accès aux vertus chrétiennes.

Il ne regrettait pas le bien qu’il avait donné à sa sœur ; il n’était pas paresseux et l’humilité devant ses inférieurs lui était non seulement légère, mais encore lui procurait une satisfaction morale. La victoire qu’il devait remporter sur ses péchés d’envie, d’avidité et de lubricité lui avait été facile. Le supérieur l’ayant particulièrement prémuni contre cette dernière faute, Kassatzki se réjouissait d’en être débarrassé.

Seul le souvenir de sa fiancée lui était pénible, car