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pris du désir de conquérir une place brillante dans la haute société, il apprit à danser d’une façon impeccable et arriva à se faire inviter à tous les bals et aux soirées intimes. Mais cette situation ne le satisfit pas, car, habitué à être le premier partout, ici il était loin de l’être.

La haute société d’alors — comme toujours et partout d’ailleurs, — était composée de quatre sortes de gens : de riches courtisans, de gens de fortune modeste, mais bien nés et élevés à la cour, de gens riches cherchant à approcher les courtisans ; et de gens peu fortunés n’appartenant pas à la cour et cherchant à se faufiler dans les deux premières catégories. Kassatski n’appartenait pas à cette dernière, mais était fort bien vu des deux autres.

Dès son entrée dans le monde il se posa un but : une liaison avec une femme de la haute société. Et il fut tout étonné d’arriver si vite à un résultat. Mais il s’aperçut aussitôt que les cercles parmi lesquels il évoluait étaient inférieurs. Il y avait donc des cercles supérieurs à la cour dans lesquels, bien qu’admis, il était considéré en étranger. On était poli avec lui, mais il sentait que là encore on était entre soi et que lui n’en était pas. Or il voulait « en être ». C’est pour cela qu’il fallait devenir aide de camp de l’empereur ou épouser une femme de très haute condition. Il décida donc d’y parvenir coûte que coûte.

Il choisit une belle jeune fille de la cour, non seulement admise dans les cercles où il voulait pénétrer, mais encore recherchée par les gens les plus hauts et les plus solidement placés. C’était la comtesse Korotkoff.

La cour que faisait Kassatski n’avait pas unique-