Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/84

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nière volonté de son mari qui avait ordonné d’envoyer Stephan à l’école des cadets. Puis la veuve partit pour Pétersbourg, emmenant sa fille, afin d’habiter la ville où se trouvait son fils qu’elle voulait avoir chez elle aux fêtes et aux vacances.

Le garçon, pourvu non seulement de brillantes facultés, mais encore d’une grande ambition, devint bientôt le premier élève de sa classe, tant en sciences et surtout en mathématiques pour lesquelles il avait un goût très prononcé, que pour le service militaire et l’équitation. Malgré sa taille au-dessus de la moyenne, il était très beau et très agile. Sa conduite aurait été celle d’un élève modèle, s’il n’avait eu un caractère emporté. Il ne buvait pas, n’était pas débauché et montrait un esprit particulièrement droit. La seule chose qui l’empêchât d’être proposé en exemple à tous, était ces accès de colère au cours desquels il oubliait toute retenue et devenait une véritable bête féroce. Une fois, il faillit jeter par la fenêtre un de ses camarades qui s’était moqué de sa collection de minerais. Un autre jour, il lança un plat sur l’économe, se précipita sur l’officier et le frappa parce que celui-ci avait renié sa propre parole et avait menti. Il eût certainement été dégradé et envoyé dans un régiment si le directeur du corps n’avait pas étouffé l’affaire en chassant l’économe. À dix-huit ans il sortit officier et fut envoyé dans un régiment de la garde. L’empereur Nicolas Pavlovitch qui l’avait connu à l’école, le distingua aussi au régiment, ce qui fit prophétiser sa promotion au grade d’aide de camp. Le jeune homme le désirait ardemment non seulement par ambition, mais surtout à cause de son attachement passionné à l’Empereur, attachement qui datait de ses années d’école.