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Alechka releva la tête.

— Si j’ai une mère, certainement, et un père aussi. Ils m’ont tous renié.

— Écoute-moi bien, vieille, ajouta-t-il, en saisissant la mère d’Iliouchka par la main. Je t’ai fait des cadeaux… Écoute-moi au nom du Christ… Tu iras au village Wodnoïé, tu demanderas la vieille Nikonof. C’est ma mère, comprends-tu bien. Tu lui diras à cette vieille Nikonof que son Alechka… Non, je ne puis continuer… tu lui diras… que… son fils… Allons, musicien, recommence !

Et jetant le flacon d’eau-de-vie par terre, il se remit à danser comme un possédé.

Ignate remonta dans la charrette et donna un coup de fouet au cheval.

— Adieu ! que Dieu t’assiste, cria la vieille mère d’Iliouchka, les larmes aux yeux.

Alechka s’arrêta.

— Mais allez donc tous au diable tant que vous êtes ! cria-t-il, les menaçant de ses deux poings. Que le diable les emporte !

— Oh ! Seigneur mon Dieu ! soupira la vieille en faisant le signe de la croix.

Les deux charrettes partirent.

Alechka, au milieu de la route, les regardait s’éloigner, les poings serrés, les yeux injectés, les maudissant.

— Pourquoi vous arrêtez-vous ? Allez-vous-en, démons ! canailles ! criait-il, je vais vous rattraper, rustres, rutres !

Épuisé, il tomba par terre.

Bientôt après, les Doutlof furent assez loin pour ne plus entendre les imprécations du pauvre cons-