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dans sa poitrine, se dirigea vers le comptoir.

— Je ne te conseille pas de lambiner, entends-tu ? Je reviens tout de suite, que tout soit prêt.

L’intendant venait de se lever. Assis devant la table, il prenait du thé.

— Que me veux-tu ?

— Moi, Iégor Ivanovitch, je vais racheter mon garçon. Vous me disiez l’autre jour que vous connaissiez un remplaçant. Ayez pitié de notre ignorance ; apprenez-moi ce que je dois faire.

— Tu as donc changé d’avis ?

— Oui, monsieur, c’est l’enfant de mon frère ; cela me fait de la peine. L’argent entraîne toujours le péché… J’aime mieux ne plus en avoir. Je compte sur votre bonté, répéta le vieux, s’inclinant devant l’intendant.

Iégor Ivanovitch, après avoir pris une mine grave et sérieuse, écrivit deux lettres et lui expliqua tout ce qu’il avait à faire.

Lorsque Doutlof revint chez lui, son fils Ignate et sa bru étaient partis. Sa petite charrette l’attendait devant la porte. Il arracha une branche, s’assit, prit les guides et fouetta le cheval qui partit au trot. L’idée qu’il arriverait trop tard, que Illioucka serait déjà expédié, aux casernes, et que l’argent du Malin resterait entre ses mains ne lui laissait aucun repos.

Nous n’entrerons pas dans les détails de toutes les courses que le vieux eut à faire ; disons seulement qu’il eut une chance extraordinaire ce jour-là.

La personne, chez qui l’intendant l’avait envoyé, lui proposa un remplaçant tout disposé à se vendre. Il demandait quatre cents roubles à un paysan qui,