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air moqueur, voulant montrer son mépris et pour l’argent et pour le paysan. Donne un peu que je te le ramasse !

Et elle voulut prendre l’argent.

Mais Doutlof ne lâcha pas prise ; il saisit les billets, les chiffonna et les enfonça dans sa poche.

— Es-tu content ?

— Je n’y comprends rien…

Il secoua la tête tout ému, et sortit, les larmes aux yeux.

Un coup de sonnette retentit dans la chambre de Madame.

— Eh bien ! le lui as-tu donné ?

— Oui, Madame.

— En est-il content ?

— Il est fou de joie, Madame.

— Appelle-le. Je veux lui demander comment il l’a trouvé. Amène-le ici, je ne suis pas en état de me lever.

Douniacha courut et rattrapa Doutlof dans l’antichambre.

Il était en train de cacher l’argent dans une grosse bourse ; lorsque Douniacha l’appela, il fut pris d’une frayeur inouïe.

— Qu’est-ce qu’il y a… Avdotia… Nicolaievna ? Est-ce qu’elle veut me reprendre l’argent ?… Prenez mon parti, Avdotia Nicolaievna, je vous apporterai du miel.

— C’est bon, c’est bon.

La porte se rouvrit et le paysan entra dans la chambre de Madame.

Il avait le cœur gros.

— Elle me le reprendra, se disait-il avec tristesse.