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— Dites à Madame que c’est Semen Doutlof qui l’a trouvée sur la grande route.

— Bien, donne-la moi.

— Je croyais que c’était une lettre simple… mais un soldat a lu l’adresse et m’a dit qu’elle contenait de l’argent.

— C’est bon, c’est bon, donne-moi la lettre.

— Je n’ai pas osé entrer chez moi, continuait Doutlof, ne pouvant se séparer de son fardeau précieux, dites-le bien à Madame :

Douniacha prit la lettre et la porta à Madame.

— Mon Dieu, mon Dieu, Douniacha ! dit-elle d’un ton de reproche… ne me parle pas de cet argent. Quand je pense au pauvre petit bébé…

— Le paysan ne sait ce qu’il doit faire de cette somme, dit Douniacha.

Madame décacheta l’enveloppe… À la vue de l’argent, elle frissonna des pieds à la tête.

— Argent fatal, que de mal il fait !

— C’est Doutlof qui l’a apporté, doit-il entrer ici ?… Ou bien Madame ira-t-elle à l’office ?

— Je ne veux pas de cet argent, il est maudit ! Quel mal il a fait, mon Dieu ! Dis-lui qu’il l’emporte, dit Madame précipitamment.

— Oui, oui, oui, répéta-t-elle à Douniacha stupéfaite, qu’il l’emporte, qu’il en fasse ce qu’il voudra, et surtout que je n’en entende plus parler !

— Quatre cent soixante-deux roubles, Madame.

— Oui, oui, qu’il les prenne tous, répéta-t-elle avec impatience. Tu ne me comprends donc pas ? Cet argent est maudit, ne m’en parle jamais… Que le paysan qui l’a trouvé l’emporte au plus vite. Va, va donc, dépêche-toi…