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Seules, la maîtresse et Akoulina pensaient à Polikei.

Les enfants n’attendaient que les vêtements chauds.

Lorsque Madame demanda à Iégor Ivanovitch des nouvelles de Polikei, il répondit avec un sourire malicieux :

— Il n’est pas encore de retour, Madame, et pourtant, il y a bien longtemps qu’il devrait être à la maison.

Plus tard seulement, on apprit que des paysans d’un village voisin avaient aperçu Polikei courant sans chapeau, le long du chemin et demandant à tous les passants s’ils n’avaient pas trouvé une lettre.

Un autre homme l’avait vu dormant au bord du chemin, le cheval et la charrette attachés à un arbre.

— J’ai même pensé, dit le paysan, qu’il était ivre, et que le cheval n’avait ni bu ni mangé, tellement qu’il avait maigri.

Akoulina ne put fermer l’œil de toute la nuit ; elle attendait toujours anxieusement le retour de son mari. Si elle n’avait été seule, si elle avait eu un cuisinier, une femme de chambre, elle aurait été bien plus malheureuse, mais elle avait une famille sur les bras et de la besogne pour deux. Au premier chant du coq, elle se levait pour mettre les pains au four, préparer le dîner, traire la vache, repasser le linge des enfants, les laver, les nettoyer, apporter de l’eau, etc…

Il faisait déjà grand jour. Les cloches annonçaient le service du matin, et Polikei ne revenait toujours pas. La veille au soir, une neige épaisse était tombée, et comme pour célébrer le jour de fête, un soleil radieux éclairait la terre.