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entre ses mains sa vieille ceinture, se demandant ce qu’il pourrait faire pour qu’elle ne ressemblât pas à une vieille corde.

On enveloppa la toute petite fille dans l’unique pelisse de la famille, et on l’envoya chez Nikita lui demander son chapeau.

Tous les domestiques venaient donner des commissions pour la ville à Illitch : l’un avait besoin d’aiguilles, l’autre de sucre, de thé, d’huile.

Nikita refusa de prêter son chapeau, il fallut donc arranger celui de Polikei qui était en loques. Les bottes raccommodées par Akoulina, étaient devenues trop étroites. Anioutka, transie de froid, lâcha le cheval et ce fut la petite Machka, enveloppée dans la grosse pelisse, qui alla tenir Tambour, impatienté de rester si longtemps à attendre.

Enfin, après avoir endossé tout ce qu’il y avait de vêtements dans la famille, sauf la jaquette verte qui recouvrait la tête d’Anioutka, Polikei monta dans la charrette, arrangea la paille, prit les guides et se prépara à partir.

À ce moment, son petit garçon Michka et Anioutka se mirent à courir derrière lui, en chemise, pieds nus, le priant de les mener un petit peu en voiture, disant qu’ils n’auraient pas froid. Polikei les prit en souriant et les conduisit jusqu’au bout du village.

Au moment où il montait en voiture, sa femme s’approcha de lui et le supplia de ne pas oublier le serment qu’il avait fait de ne pas boire une seule goutte d’eau-de-vie.

Le temps était horrible.

Une pluie mêlée de neige tombait et glaçait la figure