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— Elle m’envoie chercher de l’argent chez un marchand.

— Chercher de l’argent ? demanda Akoulina.

Polikei sourit d’un air affirmatif.

— Elle est bien adroite quand elle s’y met, notre maîtresse. « Tu sais, Polikei, qu’on a eu des soupçons sur ton compte, m’a-t-elle dit, mais moi j’ai confiance en toi plus qu’en n’importe qui. »

Polikei parlait à voix haute pour que les voisins l’entendissent.

« — Tu as promis de te corriger, continua-t-elle. Eh bien ! voilà une occasion de le prouver ; va chez le marchand, demande l’argent qu’il me doit et apporte-le moi.

« — Nous sommes tous tes serfs, madame, lui ai-je répondu, nous devons te servir et nous dévouer à toi, je me sens capable de donner ma dernière goutte de sang, pour toi, maîtresse, et tout ce que tu m’ordonneras de faire, je le ferai, parce que je suis ton esclave.

Il sourit de son sourire d’homme faible bon et coupable.

« — Tu comprends, me dit-elle, que ton sort dépend de cela ?

« — Certainement, maîtresse, comment ne comprendrais-je pas que vous voulez mon bien. On m’a calomnié, c’est le moment de montrer que jamais je n’ai même eu l’idée de vous faire du tort, maîtresse. »

J’ai tant et si bien parlé, qu’elle s’est complètement attendrie.

« — Tu es mon meilleur serviteur, m’a-t-elle dit. »

Le même sourire éclaira de nouveau la figure de Polikei.

— Je sais bien, moi, parler aux maîtres.