Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/216

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Madame, chère petite Madame ! Ce n’est rien, disait-elle en promenant machinalement la main sur le corps de sa maîtresse.

On passa les menottes à Migourski, on l’emmena et Albine courut derrière lui.

— Pardonne-moi, cria-t-elle. C’est de ma faute.

— On verra à qui la faute. Ça arrivera jusqu’à vous, dit le maître de police en la repoussant de la main.

Le prisonnier fut conduit au bac. Et Albine, sans savoir pourquoi, le suivait sans écouter les consolations de Louise.

Pendant toute la durée de ce drame, le cosaque Danilo Livano était resté près des roues de la voiture et d’un air sombre regardait tantôt le maître de police, tantôt Albine, tantôt ses pieds à lui.

Quand Migourski fut parti, Trésor, resté seul, remua la queue et se mit à caresser le cosaque auquel il s’était habitué en chemin.

Le cosaque se détacha alors de la voiture, arracha le bonnet qu’il avait sur la tête, de toutes ses forces le lança à terre et, envoyant un coup de pied à Trésor, entra au cabaret. Là, il commanda du vodka, but sans arrêt et dépensa tout ce qu’il avait jusqu’au prix de son uniforme. Le lendemain seulement, quand il s’éveilla dans un fossé, il avait cessé de penser à la question qui le torturait : avait-il bien fait ?



Migourski fut jugé et condamné pour désertion à mille coups de bâton. Ses parents, ainsi que Wanda,