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XII


Le cosaque Danilo Lifanoff avait trente-quatre ans et il terminait son service dans un mois. Sa famille se composait d’un grand-père de quatre-vingt-dix ans qui se souvenait encore de Pougatche, de deux frères, d’une belle-sœur, d’un frère aîné exilé en Sibérie comme « vieux croyant », d’une femme, de deux filles et d’un fils. Son père avait été tué dans la guerre avec les Français, de sorte qu’il était l’aîné de la famille. Il n’était pas pauvre, possédait seize chevaux, deux troupeaux de taureaux et pas mal de terre libre où poussait le froment.

Danilo tenait fortement à la vieille foi. Il ne fumait pas, ne buvait pas, et ne mangeait pas dans la même salle que ceux qui n’étaient pas de sa foi. Il observait rigoureusement le serment. Dans toute affaire, il était lent à exécuter, mais on pouvait compter sur lui. Il employait toute son attention à exécuter les ordres qu’il recevait et n’oubliait pas un seul instant ce qu’il considérait comme son devoir.

Comme on lui avait ordonné de conduire à Sarato les Polonaises, qu’on ne leur fît aucun mal et qu’elles-mêmes restassent calmes, il les avait accompagnées jusqu’ici avec leur petit chien et leur bière. Ces fem-