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— Très possible et tout était prêt, dit Rossolowski s’assombrissant.

Lentement, il exposa le plan général et les mesures prises pour sa réussite ; et en cas d’échec les mesures de salut pour les conjurés. Tout était prévu, tout était assuré et tout aurait réussi si deux traîtres ne s’étaient glissés dans leurs rangs.

— Sirotzinski, disait-il, était un homme de génie et d’une grande force morale. Il est mort en héros et en martyr.

Et de sa voix profonde et calme, il conta le martyre des chefs de la conjuration auquel il avait dû assister, par ordre des autorités, ainsi que tous ceux impliqués dans cette affaire.

Le premier qui passa entre les bâtons fut le Dr  Chokalski. Il tomba inanimé. Puis ce fut un second, un troisième, un quatrième, les uns morts, les autres vivants à peine. L’exécution avait duré du matin à 2 heures après-midi. Et le dernier qui passa fut le prêtre Sirotzinski.

Il était méconnaissable. Il avait vieilli. Sa figure rasée avait pris une teinte verdâtre, son corps dénudé semblait jaune et ses côtes ressortaient au-dessus de l’abdomen. Il passa comme tous, tremblant à chaque coup, sans râle, mais disant à haute voix sa prière : Misere mei Domine secundum magnum misericordiam tuam.

— Je l’ai entendu moi-même, balbutia très vite Rossolowski en terminant.

Assise à sa fenêtre, Louise sanglota le mouchoir au visage.