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mettez l’amour du « poétique » que chez les enfants et les jeunes filles bébêtes. Pour vous, quelque chose de positif. Mais ce sont les enfants qui voient sainement la vie. Ils connaissent et aiment ce que devrait aimer l’homme et ce qui lui procurerait le bonheur.

Mais vous que la vie a pervertis et pris dans son tourbillon, vous vous moquez de ce que vous aimez pour rechercher ce que vous haïssez et qui fait votre malheur.

« Comment vous, fils ou enfants d’un peuple libre et humanitaire, vous chrétiens ou seulement hommes, avez-vous osé répondre par de froides railleries à ce que ce malheureux vous a donné de pures joies ?

« Il a travaillé, il vous a réjouis, il vous a priés de lui donner, pour son travail, un peu de votre surplus. Vous l’avez regardé avec un sourire glacé comme un phénomène et dans votre foule d’hommes riches et heureux, il ne s’en est pas trouvé un seul qui lui eût jeté quelque pièce ! Honteux il partit et la foule idiote en riant offensait, non vous cruels, froids et sans honneur, mais lui à qui vous avez volé la joie qu’il vous a donnée. »

Le 7 juillet 1857, à Lucerne, devant le Schweitzerhoff, habité par les gens les plus riches du monde, un pauvre chanteur ambulant a chanté pendant une demi-heure en jouant sur sa guitare. Une centaine de personnes l’ont écouté. Par trois fois, le chanteur pria qu’on lui donnât quelque chose. Mais nul ne mit la main à la poche et nombreux furent ceux qui le tournèrent en dérision.

Ce n’est pas une imagination, c’est un fait que cha-