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m’accordant pour quelque temps l’énergie, la force et la souplesse de toutes mes qualités physiques et morales.

Je me dressai d’un coup.

— Pourquoi riez-vous ? criai-je au garçon, en sentant pâlir mon visage et trembler mes lèvres.

— Je ne ris pas, répondit le valet en s’écartant de moi.

— Vous vous moquez de ce monsieur. De quel droit êtes-vous tous ici et assis devant des clients ? Je vous défends de rester assis, hurlai-je.

Le portier grogna, se leva et partit vers la porte.

— Quel droit avez-vous de vous moquer de ce monsieur, de vous asseoir auprès de lui quand lui est mon hôte et vous le valet. Pourquoi ne vous moquez-vous pas de moi en me servant au dîner et ne vous êtes-vous pas assis à mes côtés ? N’est-ce pas à cause de ses pauvres habits et parce qu’il est forcé de chanter dans les rues ? Tandis que moi, je suis richement habillé ? Lui est pauvre, mais vous vaut mille fois, car, j’en suis persuadé, il n’a jamais offensé personne ; tandis que vous, vous l’offensez.

— Mais je ne fais rien, répondit timidement le domestique. Je ne l’empêche pas de rester assis.

Le valet ne comprenait pas et mon allemand était employé en pure perte. Le gros portier prit le parti du garçon ; mais je lui tombai dessus avec tant de vivacité que, d’un geste désespéré de la main, il fit signe de ne pas me comprendre.

Je ne sais si là plongeuse bossue eut peur du scandale ou si elle partageait réellement mon opinion, mais se plaçant vivement entre moi et le portier, elle se