Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.

en plus faibles. Malgré cela, il partira encore à Interlaken, à Aix-les-Bains et de là en Italie qu’il aimait beaucoup.

En général, il semblait heureux de vivre. Comme je lui demandais pourquoi il retournait à sa maison, s’il y avait encore quelque attache, sa bouche se plissa légèrement dans un sourire et il me répondit :

— …Oui, le sucre est bon et il est doux pour les enfants.

Ce disant, il regardait le groupe des valets. Je n’avais rien compris, mais les valets s’esclaffèrent.

— Je n’ai rien, car si j’avais quelque chose, vous ne me verriez pas courir ainsi. Mais si je retourne chez moi, c’est qu’il y a toujours quelque chose qui m’attire vers mon pays. Il refit son sourire malin et très content répéta :

Oui, le sucre est bon

Son bon rire égaya les garçons qui, très heureux, riaient aux éclats. Seule la petite bossue regardait de ses grands bons yeux le petit homme, et comme il avait laissé tomber sa casquette, elle la lui ramassa.

J’avais remarqué que les chanteurs ambulants, les acrobates et les faiseurs de tours, aimaient le titre d’artiste. Aussi, je ne cessais d’attirer l’attention de mon compagnon sur cette qualité, mais lui ne se la reconnaissait pas et simplement il considérait son travail comme un moyen de vivre. Sur ma question : savoir s’il était l’auteur des chansons qu’il chantait, il répondit avec un étonnement visible en disant qu’il en était incapable et que c’étaient de vieux airs tyroliens.

— Mais comment ? L’air du Rigi n’est pourtant pas ancien m’écriai-je.