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eu de chagrin, et ce chagrin faisait souffrir toute la famille.

Dès son jeune âge, Polikei avait été attaché à un haras dans un village voisin. Le palefrenier, son chef immédiat était un voleur de premier ordre. Polikei fit chez lui son apprentissage et s’habitua tellement à voler, que, plus tard, il lui fut impossible de se défaire de cette mauvaise habitude. C’était un homme faible, il n’avait ni père ni mère pour lui apprendre à marcher dans la bonne voie. Il aimait à boire, et ne pouvait résister au besoin de voler tout ce qui n’était pas gardé assez soigneusement. La chose la plus inutile le tentait, il trouvait partout des personnes qui, en échange de l’objet volé, lui donnaient du vin ou de l’argent.

Ce moyen de gagner sa vie est le plus aisé, comme dit le peuple, et une fois qu’on s’y est fait, on n’a plus envie de travailler d’une autre manière.

Le seul inconvénient de ce métier, c’est qu’un beau jour on s’attaque à une personne méchante et désagréable qui vous cause des ennuis et vous fait payer cher le plaisir que vous avez éprouvé grâce à ce genre de vie.

C’est ce qui arriva à Polikei.

Il se maria. Dieu bénit son union. Sa femme, la fille du vacher, était une paysanne robuste, travailleuse et intelligente. Elle lui donnait chaque année un enfant superbe. Polikei continua son métier, et tout semblait aller bien, lorsqu’un beau jour il fut pris en flagrant délit, et pour une bagatelle. Il détourna les guides en cuir d’un paysan et on les trouva chez lui. On le battit. On se plaignit à la maîtresse. Des lors, on le surveilla.