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dormait. La bonne vieille avait elle-même longtemps veillé pour calmer la colère de sa fille contre son mari.

Elle voyait bien que son gendre, caractère faible, ne pouvait vivre ni parler autrement qu’il ne le faisait et elle comprenait que les reproches de sa femme n’y feraient rien : aussi s’efforçait-elle d’arranger la situation.

Physiquement, elle ne pouvait supporter les discordes autour d’elle et elle faisait pour le mieux afin que les relations entre ses enfants fussent aussi bonnes que possible. Il était évident que ces querelles ne pouvaient mener à rien de bon et elle souffrait à la vue de la méchanceté comme on souffre d’une mauvaise odeur, d’un choc subit ou de coups.

Praskovie était occupée avec la cuisinière Loukierie, quand le petit Micha, âgé de six ans, accourut sur ses pieds chaussés de bas troués. Son petit visage exprimait l’effroi.

— Grand’mère, un vieillard horrible cherche après toi.

Loukierie écarta la porte pour regarder.

— Il me semble, madame, que c’est un pèlerin.

La vieille essuya ses mains après son tablier et voulut aller dans la chambre pour chercher cinq kopeks ; mais soudain elle se rappela qu’elle n’avait pas de si petites monnaies. Aussi décida-t-elle de ne donner que du pain, quand, soudain, rougissant de ce qu’elle appelait son avarice, elle courut chercher les dix kopeks.

— Ce sera ta punition, se dit-elle. Tu donneras le double.

Elle tendit l’aumône au vieillard, toute honteuse de