Page:Tolstoï - Histoire d’un pauvre homme.djvu/133

Cette page a été validée par deux contributeurs.


V


Depuis bien des années Palenka[1] n’était plus Palenka, mais une vieille Praskovie Micaïlovna, desséchée, ridée et belle-mère du fonctionnaire Mavrikieff, ivrogne et raté. Elle habitait la ville de l’arrondissement dans lequel ce dernier avait eu sa dernière place et passait sa vie à nourrir sa famille, sa fille, son gendre neurasthénique et ses cinq petits-enfants. Gagner sa vie, c’était pour elle donner des leçons de musique aux filles des marchands. Elle en avait quatre ou cinq par jour, de sorte qu’elle arrivait à gagner soixante roubles par mois. On vivait ainsi, en attendant une place, et la pauvre vieille, pour l’obtenir, envoyait des lettres à tous les parents et amis, y compris au Père Serge, qui, d’ailleurs, ne les avait jamais reçues.

C’était un samedi et la belle-mère pétrissait la pâte d’un bon pain aux raisins de Corinthe, comme le fabriquait si bien, jadis, la cuisinière de son père. Praskovie voulait en régaler ses petits-enfants pour la fête du lendemain.

Marie, sa fille, s’amusait avec le plus petit de ses enfants, tandis que les aînés, le fils et la fille, étaient à l’école. Le gendre ayant passé une nuit d’insomnie

  1. Diminutif de Preslicowa.