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— Qu’as-tu ? murmura l’ermite. Marie, tu es le diable…

— Oh !… ce n’est rien.

Et, s’asseyant près de lui sur le lit, elle le prit dans ses bras.

À l’aube il sortit.

— Est-il possible que ce soit arrivé ? Le père viendra et elle lui dira tout. Elle est le diable. Mais que vais-je faire, moi ? Voilà la hache avec laquelle je me suis coupé le doigt.

Il prit l’instrument et alla vers la cellule.

Le frère-lai le rencontra.

— Voulez-vous que je coupe du bois ?

Le Père Serge lui remit la hache et entra dans la grotte. Allongée sur la couchette, elle dormait et il la contempla un instant avec effroi. Puis, ayant ôté son froc, il endossa le vêtement de paysan, coupa ses cheveux, sortit et prit le chemin qui menait au fleuve.

La route longeait le bord de l’eau. Il la suivit jusqu’au déjeuner, il entra alors dans les blés et se coucha. Le soir le trouva à nouveau sur la route près d’un village qu’il évita, et il arriva à un endroit abrupt.

Il dormit et s’éveilla un peu avant l’aube.

— Il faut en finir. Il n’y a pas de Dieu. Mais comment finir ? Je sais nager, je ne me noierai pas. Me pendre avec ma ceinture ?

Tout cela parut si possible et si proche qu’il en demeura terrifié. Comme à l’habitude, dans ses moments de désespoir, il voulut prier, mais prier qui ? Dieu n’existait pas.

Il restait couché, la tête sur la main, et sentit soudain un tel besoin de sommeil que sa main en tombait. Le sommeil ne dura que quelques instants et il