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D’abord, il avait accepté tout ce qu’on lui apportait : du thé, du sucre, du pain blanc, du lait, des vêtements et du bois de chauffage.

Mais, plus le temps avançait, plus les règles qu’il établissait pour lui-même devenaient rigoureuses. Il arriva ainsi à n’accepter du pain noir qu’une fois par semaine, distribuant aux pauvres tout le surplus. Toute son existence se passait maintenant en prières dans sa cellule ou en entretiens pieux avec les visiteurs dont le nombre s’accroissait chaque jour.

Après l’incident avec la Makovskine, sa conversion et son entrée au couvent, la gloire du père Serge s’était étendue au loin.

Cette gloire, comme toujours, exagérait ses exploits. Aussi venait-on de tous côtés pour lui amener des malades, en affirmant qu’il pouvait les guérir.

Sa première guérison miraculeuse advint dans la huitième année de sa réclusion. Ce fut un garçon de quatorze ans amené par sa mère. Il imposa les mains sur la tête de l’enfant. Il n’avait jamais supposé qu’il pouvait guérir les malades. C’eût été pour lui un péché d’orgueil. Mais la mère ne cessait de le supplier, se traînant à ses pieds, au nom du Christ, invoquant d’autres guérisons. Aux paroles du père Serge répondant que seul Dieu pouvait guérir, elle ne répétait qu’une chose : que ses mains fussent imposées sur la tête de l’enfant.

L’ermite refusa cependant et se retira dans sa cellule. Mais le lendemain, sortant pour chercher de l’eau, il retrouva la même femme et son enfant, garçonnet pâle et maladif. La parabole du juge injuste lui vint à l’esprit. Il n’avait pas eu de doute pour le refus, mais maintenant ce doute le torturait : il se mit