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ché dans la flaque, et son pied gauche était mouillé jusqu’au mollet et sa bottine pleine d’eau. Elle s’assit donc sur la planche recouverte d’un misérable tapis qui servait de couchette à l’ermite et se mit à se déchausser tout en contemplant la cellule, qui lui parut admirable.

Étroite, trois mètres de large et quatre de long environ, elle était propre comme un verre. Comme meuble, il n’y avait que cette sorte de lit sur lequel elle était assise et au-dessus un rayon supportant des livres. Un prie-Dieu surmonté d’une image du Christ éclairée par la petite lampe occupait un coin, tandis que, près de la porte, une pelisse et un froc étaient suspendus à des clous. Une odeur etrange planait, un mélange d’huile, de sueur et de terre. Tout lui plaisait, même cette odeur.

Ses pieds mouillés inquiétaient la jeune femme, particulièrement le gauche. Elle continua à délacer ses chaussures tout en se réjouissant d’avoir atteint son but et d’avoir pu troubler cet homme étrange et beau.

— Père Serge, père Serge ! c’est ainsi qu’on vous appelle, je crois ? cria-t-elle.

— Que désirez-vous ? demanda une voix calme.

— Excusez-moi, je vous en prie, d’avoir troublé votre solitude. Mais je vous assure que je ne pouvais faire autrement et maintenant encore je suis toute trempée et mes pieds sont comme de la glace.

— Excusez-moi, dit la voix, mais je n’y suis pour rien.

— Pour rien au monde, je ne vous dérangerai. Je resterai seulement jusqu’à l’aube.

Et elle entendit un chuchotement.