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teur du milieu. Le postillon remuait joyeusement les rênes. L’avocat et l’officier assis en face de la divorcée plaisantaient, tandis que Mme Makoskine, enveloppée de sa fourrure, songeait.

— Toujours la même chose et toujours aussi stupide. Les mêmes visages brillants sentant le vin et le tabac, les mêmes paroles, les mêmes pensées roulant autour de la même turpitude. Ils sont tous contents et assurés qu’il faut vivre ainsi. Ils pourront même mener cette vie jusqu’à la mort… Quant à moi, je n’en puis plus… je m’ennuie… Il me faut quelque chose qui retournerait ma vie… Comme cette histoire de Zaratoff où ils sont partis et où tous furent gelés… Que feraient-ils donc dans un tel cas ? Quelle aurait été leur conduite ? Lâche bien entendu, chacun pour soi. Il est certain que, moi aussi, j’aurais été lâche. Mais aussi moi je suis belle et ils le savent. Et ce moine ? Est-ce possible que déjà il reste indifférent à tout cela ? Non, ce n’est pas vrai. Comme à l’automne avec ce jeune cadet ! Quel bel imbécile c’était !

— Ivan Nicolaïevitch ! appela-t-elle enfin.

— À vos ordres !

— Quel âge a-t-il ?

— Qui ?

— Kassatski.

— Quarante et plus, me semble-t-il.

— Reçoit-il tout le monde ?

— Tout le monde, mais pas toujours.

— Couvrez-moi les pieds. Pas comme cela. Ah ! que vous êtes maladroit ! Encore. Ce n’est pas la peine de me frôler.

Ils arrivèrent ainsi à la forêt où se trouve la grotte.