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Et le général raconta comment en 1843, après la prise de Guergabel par les montagnards, Hadji Mourad rencontra le détachement du général Palêne et faillit tuer sous leurs yeux le colonel Zolotoukhine.

Vorontzoff écoutait le général avec un sourire aimable, évidemment content de lui voir tenir la conversation. Mais, tout d’un coup, le visage de Vorontzoff prit une expression distraite et triste.

Le général, emporté par la conversation, s’était mis à raconter où il avait rencontré Hadji Mourad la seconde fois.

— Mais c’est lui, Votre Excellence, vous devez vous souvenir, qui avait organisé le piège pendant cette expédition… la délivrance…

— Où ? demanda Vorontzoff en clignant des yeux.

Le général appelait la délivrance cette affaire de la campagne malheureuse de Dharguinsk, où, en effet, tout le détachement eût été pris, et le premier le prince Vorontzoff qui le commandait, si des troupes, nouvellement arrivées, ne l’eussent sauvé. Tous savaient parfaitement que cette campagne de Dharguinsk, dans laquelle les Russes, sous le commandement de Vorontzoff, perdirent beaucoup d’hommes tant tués que blessés et quelques canons, était un événement honteux. C’est pourquoi s’il arrivait de parler de cette campagne en présence de Vorontzoff, ce n’était jamais que dans le sens que lui avait donné celui-ci dans son rapport au tzar, c’est-à-dire comme un acte