Page:Tolstoï - Hadji Mourad et autres contes.djvu/77

Cette page a été validée par deux contributeurs.

premiers couples. Les valets en caftans, chaussés de bas et de souliers, reculaient et avançaient les chaises. Le maître d’hôtel versait solennellement la soupe fumante d’une soupière d’argent.

Vorontzoff s’assit au milieu de la longue table ; la princesse sa femme et le général, en face de lui ; à sa droite, la belle Orbeliani ; à sa gauche, une jeune princesse grouzine, élégante, brune, parée d’ornements brillants, et qui ne cessait de sourire.

— Excellentes, chère amie, répondit Vorontzoff à la princesse qui lui demandait quelles nouvelles avait apportées le courrier. — Simon a eu de la chance. Et il se mit à raconter, de façon à ce que tous les convives pussent l’entendre, la surprenante nouvelle — pour lui seul cette nouvelle n’en était pas tout à fait une, car des pourparlers étaient engagés depuis longtemps déjà : — le ralliement aux Russes du plus célèbre et du plus courageux des officiers de Schamyl, Hadji Mourad, qui allait être amené aujourd’hui ou demain à Tiflis.

Tous les convives, même la jeunesse, les aides de camp, les fonctionnaires, qui étaient assis tout au bout de la table et une minute avant riaient de quelque chose, tous se turent et écoutèrent.

— Et vous, général, avez-vous déjà rencontré ce Hadji Mourad ? demanda la princesse à son voisin, le général roux, aux moustaches hérissées, quand le prince eut cessé de parler.

— Et même plusieurs fois, princesse.