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Le soir du 4 décembre 1852, la troïka du courrier arrivait à son palais de Tiflis. Il en descendit un officier fatigué, tout noir de poussière, envoyé par le général Kozlovski pour faire savoir que Hadji Mourad s’était rallié aux Russes. Après s’être étiré les jambes, il gravit, devant les sentinelles, le large perron du palais du général gouverneur. Il était six heures, et Vorontzoff allait dîner quand on lui annonça l’arrivée du courrier. Vorontzoff le reçut immédiatement, ce qui fit qu’il était de quelques minutes en retard pour le dîner. Quand il entra au salon, les invités, une trentaine de personnes, assises autour de la princesse Élisabeth Xavierievna, ou debout groupées près des fenêtres, se tournèrent vers lui. Vorontzoff était en tunique d’uniforme noir, avec les pattes d’épaules sans épaulettes, et la croix blanche au cou. Son visage rusé, rasé, souriait agréablement, et il clignait des yeux en regardant tous ses hôtes. Il entra d’un pas doux, rapide, s’excusant près des dames pour son retard, saluant les messieurs, et il s’approcha de la princesse grouzine Manane Orbeliani, une grande belle femme de quarante-cinq ans, au type oriental, à qui il offrit son bras pour passer à table. La princesse Élisabeth Xavierievna donna elle-même le bras à un général roux, aux moustaches hérissées, qui était de passage à Tiflis. Le prince grouzine offrit son bras à la comtesse de Choiseul, amie de la princesse. Le docteur Andréievsky, les aides de camp et les autres messieurs, les uns accompagnant des dames, les autres sans dames, suivirent les