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ami est aussi sacrée pour l’autre que l’ami lui-même.

La personne et les manières de Hadji Mourad plurent à Marie Vassilievna, et le fait qu’il rougit quand elle lui tendit sa longue main blanche la disposa encore plus en sa faveur. Elle le pria de s’asseoir, et après lui avoir demandé s’il buvait du café, elle donna l’ordre de servir. Cependant Hadji Mourad refusa le café quand on le lui offrit. Il comprenait un peu le russe, mais ne pouvait le parler, et, quand il ne comprenait pas, il souriait. Et son sourire plaisait à Marie Vassilievna comme il avait plu à Poltoradski. Quant au garçon frisé, aux yeux vifs, le fils de Marie Vassilievna, qu’elle appelait Boulka, il était debout près de sa mère, et ne quittait pas des yeux Hadji Mourad dont il avait entendu parler comme d’un guerrier fameux.

Laissant Hadji Mourad avec sa femme, Vorontzoff se rendit à la chancellerie pour donner l’ordre de faire un rapport aux autorités sur le ralliement de Hadji Mourad. Après avoir écrit un rapport au chef du flanc gauche, général Kozlovski, à la forteresse Groznaia, et une lettre à son père, Vorontzoff se hâta de rentrer chez lui, ayant peur que sa femme ne fût mécontente qu’il l’ait laissée avec ce terrible étranger qu’il fallait veiller à ne pas offenser ni trop flatter. Mais sa crainte était vaine. Hadji Mourad était assis dans un fauteuil, tenant sur ses genoux Boulka, le beau-fils, et, la tête inclinée, il écoutait attentivement ce que lui disait l’interprète, traduisant les paroles de Marie