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les sourcils, fit un geste de la main, indiquant qu’il ne comprenait rien, et sourit. Hadji Mourad répondit à ce sourire par un sourire qui frappa Poltoradski par sa bonté et sa naïveté enfantine. Poltoradski ne s’était pas représenté ainsi ce terrible montagnard. Il s’attendait à voir un homme morne, sec, étranger, et il avait devant lui un homme très simple, qui souriait d’un sourire si bon qu’il semblait être un ami connu depuis longtemps. La seule chose extraordinaire chez lui, c’étaient les yeux, très largement écartés, qui scrutaient attentivement, profondément, les yeux des autres.

La suite de Hadji Mourad se composait de quatre hommes.

Il y avait ce Khan-Magom qui, cette nuit, était venu trouver Vorontzoff. C’était un homme au visage cramoisi, rond, avec des yeux noirs brillants, sans paupières, et une expression pleine de la joie de vivre. Il y avait encore un homme, trapu, velu, dont les sourcils se joignaient ; c’était un Abaze, Khanefi, qui avait la charge de toutes les affaires de Hadji Mourad. Il conduisait avec lui un cheval chargé de sacs bien remplis. Les deux autres hommes de la suite étaient surtout remarquables : l’un était jeune, avait la taille fine comme celle d’une femme, de larges épaules, la barbiche blonde, naissante, et des yeux de brebis. Ce beau garçon, c’était Eldar. L’autre, borgne, sans cils ni sourcils, la barbe rousse taillée, le visage balafré, était un Tchetchenz, Gamzalo.