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V

Le matin, de bonne heure, avant jour, deux compagnies, sous le commandement de Poltoradski, sortirent, munies de haches, pour se rendre à dix verstes au delà des portes de Chahguirinsk. Là on dispersa une chaîne de fusiliers, et, dès que le jour commença à poindre, les soldats se mirent à couper du bois. Vers huit heures, le brouillard, qui se confondait avec la fumée odorante des branches humides qui sifflaient et craquaient dans les bûchers, commença à se lever, et les coupeurs de bois, qui auparavant ne se voyaient pas à cinq pas mais entendaient seulement les coups, purent distinguer les bûchers et la route traversant la forêt remplie d’arbres coupés. Le soleil tantôt se montrait comme une tache claire dans le brouillard, tantôt disparaissait. Sur la clairière, à l’écart de la route, Poltoradski était assis sur un tambour, avec son officier subalterne, Tikhonoff, deux officiers de la 3e compagnie et un ancien officier de la garde, dégradé pour duel, le camarade de Poltoradski à l’école des pages, le baron Frézé Le sol près des tambours était jonché de papiers ayant enveloppé des victuailles, de mégots et de