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du bagne à l’étranger, puis était rentré en Russie sous un autre nom.

En été 1906 il vint à Moscou recruter des ouvriers pour le parti socialiste révolutionnaire.

L’histoire de Vladimir Vassilievitch était la suivante. Fils de diacre, encore au séminaire, il s’était attiré l’attention de ses maîtres et de ses condisciples par ses capacités extraordinairement brillantes, par l’honnêteté, la loyauté de son caractère, et par une grande, non pas beauté mais attirance. Son sourire était si contagieux, que l’homme le plus sérieux, le plus attristé ne pouvait s’empêcher de répondre à son sourire par un sourire. Après beaucoup de démarches, ses parents lui obtinrent une place de prêtre à condition qu’il épouserait la fille du vieux prêtre du village. Il eut beau répéter à son père qu’il ne se sentait pas de vocation pour la prêtrise, il eut beau supplier sa mère, ses parents ne voulurent rien entendre et le menacèrent de leur malédiction. Vladimir résolut de se libérer par un autre moyen. Il alla trouver sa promise et s’expliqua avec elle en toute franchise. Il lui dit qu’il ne croyait pas en l’Église, qu’il n’avait pas d’amour pour elle, de sorte que le mariage avec elle et l’acceptation d’une place de prêtre seraient quelque chose de malhonnête et de vil.

La brave fille de campagne fut d’abord peinée ; mais ensuite, vaincue par le charme, le sourire et la franchise de son fiancé, elle résolut de rompre les projets de mariage.