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Paul était membre depuis le nouvel an. Anossoff était un garçon gai, débrouillard, très hardi, ayant beaucoup lu, et qu’on tenait pour un camarade très intelligent.

Le premier mot d’Anossoff fut :

— J’allais chez toi, Paul. Je n’ai pas voulu aller au bureau. Que le diable emporte cet exploiteur juif ! Mais j’ai une affaire à te proposer, une affaire belle et importante.

Paul alla avec lui. Chemin faisant, Anossoff raconta à Paul que dans leur parti (il saisissait avec un plaisir particulier chaque occasion de prononcer de pareils mots), on avait décidé d’acheter une typographie. Cette typographie était nécessaire pour la propagande, mais pour cela il fallait faire quelques expropriations. À cela devaient prendre part tous les travailleurs conscients ; et puisque Paul était considéré comme un membre conscient du parti, il lui proposait de se rendre tout de suite, avec lui, au Comité de l’association ouvrière, où devait être décidé quelle expropriation faire et comment l’opérer.

Paul, pendant qu’il écoutait Anossoff, se tenait à peine sur ses jambes, tant il ressentait d’émotion et d’enthousiasme. Il pensait non à ce qu’il aurait à faire, non à ce qu’était l’expropriation, — il savait qu’on pratiquait cela et c’était pour lui suffisant, — il rougissait et pâlissait d’enthousiasme en écoutant Anossoff. Le principal, le plus important pour lui était qu’il entrait en rapports directs avec les chefs de la révolution, qu’il pouvait