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choses actuel est mauvais, injuste, révoltant ; on a trouvé le moyen d’y remédier. En outre on a donné la possibilité de participer à cette œuvre réparatrice.

Et Paul s’adonna tout entier à cette œuvre. Il lut tous les livres. Il lut Kropotkine et Reclus. Et dans l’âme de Paul il se fit un changement complet. En réalité, c’était la même chose qu’à la campagne. La différence était en ce que, là-bas, il se guidait de la compréhension de la vie qui leur était commune, tandis que maintenant il se guidait par celle qui était commune à tous ceux qui l’entouraient ici.

Une autre différence était que là-bas il ne se sentait pas content de soi, tandis qu’ici il ne pouvait ne point se réjouir de lui-même, ne pas être content de soi. En revanche, là-bas, il ne ressentait point de mauvais sentiments envers les hommes. Même l’intendant qui avait infligé une amende à son père pour vol de bois, il ne le haïssait pas. Il reconnaissait que l’intendant, vu ses fonctions, avait fait ce qu’il devait faire ; et il ne ressentait pas d’envie pour le jeune maître qui passait devant lui à bicyclette, estimant qu’il en devait être ainsi.

Maintenant, au contraire, il lui était impossible de ne pas se demander pourquoi ce n’était pas lui qui était avec cette dame dans cette voiture attelée d’un trotteur, mais un autre, un monsieur aux moustaches en croc. Et il était pris d’un sentiment d’hostilité pour le monsieur aux moustaches.