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par une passion. Mais, dans ce cas, il savait qu’il agissait mal. De sorte qu’il ne jugeait bon que ce que les hommes considèrent comme tel ; et il trouvait mal ce que les hommes trouvent mal. À la campagne, les préceptes généraux de la vie rurale réglaient sa conduite : il était bon de ne pas perdre inutilement son temps, mais de travailler, de savoir travailler ; de n’avoir peur de rien, d’avoir de l’endurance, de ne pas se laisser offenser. De temps en temps on pouvait s’amuser, boire un peu, et même injurier, battre, si on ne pouvait se contenir. « Qui n’est pas pécheur devant Dieu et fautif envers le tzar ? » Si l’occasion se présentait de tirer profit des riches, il ne fallait pas la laisser échapper, mais il ne fallait pas exploiter le frère-paysan : il fallait agir honnêtement avec lui ; en tout cas, penser à son âme et à Dieu. Non seulement aller à l’église et réciter les prières en temps voulu, mais aussi ne pas chasser le mendiant, le secourir dans la mesure de ses forces. S’amuser tant qu’on est jeune, mais ne pas commettre de péchés. Ne pas voler, ne pas se débaucher, ne pas s’enivrer, et, surtout, obéir aux vieux et écouter ce qu’ils disent… Telles étaient les exigences de la campagne et les définitions du bien et du mal. Pavloucha s’y conformait sans les discuter. Mais si, vivant à la campagne, il cédait aux exigences de son entourage, d’après les livres qu’il aimait à lire et lisait, il comprenait qu’il y avait une autre vie, ayant ses exigences à elle, différentes. En quoi consistaient ces exigences, il ne pouvait s’en rendre